Depuis près de 25 ans, Tel-jeunes offre ses services d’aide psychosociale aux jeunes, particulièrement âgés de 12 à 17 ans, lesquels présentent des inquiétudes, des questions, des problématiques parfois complexes sur des sujets variés : relations avec les amis, relations amoureuses, sexualité, intimidation, violence, usage de drogues, détresse psychologique ou autres problèmes de santé mentale.
À l’origine, Tel-jeunes proposait uniquement un service d’aide téléphonique. Depuis quelques années, les services offerts par cet organisme se sont modernisés avec l’arrivée du web. Ainsi, les jeunes disposent maintenant d’options additionnelles pour entrer en contact avec les intervenants, notamment via le site web, le clavardage et depuis 2013, par l’entremise des textos. Cette récente initiative fut d’ailleurs une première au Canada en matière d’intervention psychosociale.
Au courant des dernières années, constatant une diminution des appels téléphoniques à Tel-jeunes, les intervenants ont alors emprunté graduellement ce virage technologique dans l’optique de rejoindre plus directement ce public cible. Naturellement, ces jeunes sont généralement des adeptes du web et possèdent pour la plupart des téléphones mobiles leur permettant d’envoyer des messages par texto. À ce sujet, de récentes statistiques démontrent d’ailleurs que ce serait 90 % des jeunes canadiens de 15 ans et plus qui ont en leur possession un téléphone cellulaire. Cette nouvelle tendance communicationnelle justifiait donc le besoin de proposer une alternative à ces jeunes, soit la possibilité d’entrer en contact quasi instantanément avec les intervenants via les messages textes.
Ce service implanté connaît rapidement un succès! Durant le premier mois de lancement de cette nouvelle plateforme d’intervention, 11 934 messages sont échangés par 510 jeunes. Si la réceptivité de ce mode de communication chez les jeunes est plus que satisfaisante, les intervenants constatent rapidement nombre de défis inattendus, lesquels font émerger plusieurs questions restant sans réponse. Entre autres, les intervenants notent que les textos sont généralement longs, qu’ils portent sur des sujets souvent complexes, et par-dessus tout, ces derniers constatent qu’intervenir auprès de plusieurs jeunes au même moment constitue un défi de taille dans un tel contexte d’intervention exigeant une attention particulière et une compréhension sans faille de la situation véhiculée par le jeune en question. Les problématiques soulevées par les intervenants ont donc exigé une profonde réflexion pour assurer la qualité des services délivrés et l’atteinte des objectifs de cet organisme qu’est Tel-jeunes, visiblement soucieux de demeurer une ressource phare pour les jeunes du Québec.
Dans l’optique d’assurer la pérennité de ce service novateur auprès des jeunes, il est apparu indispensable de mieux comprendre cette nouvelle pratique, soit précisément de cerner les motivations, les contextes et les types de problématiques des jeunes qui contactent Tel-jeunes par texto, en plus de mieux cerner l’expérience des intervenants avec le service texto. Tel-jeunes a ainsi fait appel à ComSanté, un centre institutionnel de recherche sur la communication et la santé intégré à l’UQAM pour mener de l’avant cette recherche. Celle-ci fut donc basée sur la tenue de groupes focus auprès de jeunes et d’intervenants de Tel-jeunes, ainsi que sur une analyse de contenu quantitative et qualitative de textos échangés. Cette recherche s’étant échelonnée sur près d’un an a permis d’une part de présenter des résultats de recherche concrets et d’autre part, de développer des stratégies permettant à Tel-jeunes d’adapter cette pratique pour permettre une utilisation efficace et satisfaisante du service texto chez les jeunes, comme chez les intervenants.
La recherche a permis de soulever de nombreuses constatations pour chacune des parties impliquées. De manière générale, mentionnons qu’il s’agit d’un service très apprécié des jeunes, particulièrement des filles, lesquelles sont d’ailleurs les principales utilisatrices. Du point de vue des jeunes, la possibilité d’entrer en contact avec les intervenants via les textos leur permet entre autres de conserver une certaine confidentialité, de s’exprimer dans l’immédiateté, ainsi que prendre une distance nécessaire à l’égard de la problématique vécue. Soulevons trois thématiques dominantes au cœur des échanges, soit les relations amoureuses, la santé psychologique ainsi que la sexualité. En ce qui concerne les difficultés rencontrées par les jeunes, ceux-ci mentionnent que le fonctionnement du service n’est pas toujours clair et que les problèmes techniques nuisent parfois au bon déroulement de l’interaction avec l’intervenant. Enfin, le passage du texto au téléphone pour approfondir une problématique soulevée est plutôt difficile et constitue une démarche peu commune, ce qui complique nécessairement la tâche des intervenants.
Du côté des intervenants, ces derniers mentionnent plusieurs limites quant au mode de communication via les textos. D’abord, ils sont unanimes sur le fait qu’il s’agit d’un service très efficace lorsqu’il est question de gérer des demandes peu complexes. Toutefois, pour gérer des problématiques plus lourdes (par exemple dans le cas où le jeune manifeste des pensées suicidaires) ainsi que des situations où le jeune est dans un état de pré-contemplation (lorsque son discours traduit par exemple une souffrance existentielle assez diffuse), l’échange par textos peut s’avérer assez complexe. Également, les intervenants soulèvent qu’ils n’ont que très peu de maîtrise sur le déroulement de la conversation et qu’il leur est difficile d’assurer un relais adéquat entre collègues pour ne pas perdre le fil des échanges. Dans un tout autre ordre d’idées, ceux-ci mentionnent que la plateforme initialement utilisée pour la gestion des messages textes est peu adaptée à l’intervention. Enfin, ils se préoccupent des conditions de déploiement du service texto, c’est-à-dire qu’un nouveau service voit le jour sans pourtant qu’il y ait de ressources supplémentaires au sein de l’équipe.
La recherche menée conjointement par Tel-jeunes et ComSanté a nécessairement porté fruit. Bien que le modèle de communication par textos ne soit pas encore parfait, des progrès importants ont cependant été constatés, et ce, à plusieurs niveaux. Au courant des deux dernières années, de nombreuses améliorations ont été apportées au service, tant d’un point de vue technique, c’est-à-dire au niveau de la plateforme sur laquelle se déroulent les échanges par messages textes, que d’un point de vue clinique, c’est-à-dire en ce qui concerne les consignes d’utilisation et celles relatives aux interventions. Dans le même ordre d’idées, il y a aussi eu quelques ajustements quant aux ressources humaines, permettant aux intervenants de travailler de manière plus efficace, en concert, tout en diminuant la pression sous-jacente à l’utilisation et la gestion de cette plateforme. Évidemment, comme dans toute gestion de changements, spécifiquement à l’ère de la technologie, les défis restent nombreux pour les intervenants et différentes stratégies sont toujours en cours, notamment en ce qui a trait à l’adaptation en contenu du modèle clinique de Tel-jeunes à l’intervention par textos.
L’adoption d’un nouveau modèle d’intervention en santé quel qu’il soit, tel que le service texto offert par Telus-Santé, nous rappelle toute l’importance de bien évaluer chacune des initiatives mises de l’avant, préférablement en amont, c’est-à-dire d’identifier les besoins, de cibler les défis, de prévoir les problèmes, etc. En ce sens, la recherche dans le domaine de la communication en santé est primordiale pour nous permettre d’avancer tous ensemble et de nous inspirer de pratiques exemplaires. Malgré les embûches rencontrées et les imperfections soulevées, aujourd’hui, l’on peut affirmer que le service offert par Tel-jeunes est un modèle de réussite. Celui-ci a d’ailleurs inspiré la mise en place d’un service texto similaire chez l’organisme bien connu des chez les jeunes : Allô prof.
Entre avril 2015 et janvier 2016 à Tel-jeunes :
Par Noémie Desbois Mackenzie
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