Au Québec, depuis quelques années, la course à pied connaît un élan de popularité remarquable. En effet, ses adeptes sont nombreux à prendre part aux diverses courses organisées à travers la province.
Parmi les épreuves de longue durée, les demi-marathons et les marathons comptent de plus en plus de coureurs. Toutefois, un tel accomplissement sportif présente-t-il un risque pour le cœur? Mathieu Gayda, chercheur spécialisé en physiologie de l’exercice à l’Institut de cardiologie de Montréal démystifie les risques cardiaques associés à la pratique de cet exercice physique.
Docteur Gayda, existe-t-il réellement des risques cardiovasculaires associés à la course à pied?
Comme dans tous sports d’endurance, notons qu’il y a potentiellement des risques associés à la course de longue durée. Ainsi, les marathons, les Ironman et toutes épreuves s’échelonnant sur plusieurs heures sont considérées comme éprouvantes pour ne pas dire épuisantes pour les participants. Évidemment, les risques d’éprouver des malaises cardiaques varient grandement d’une personne à l’autre, selon son âge, sa condition de santé, ses facteurs de risque cardiovasculaires et dépend aussi de sa préparation physique pour l’épreuve en question. Autrement dit, si l’accomplissement d’une telle épreuve s’avère réfléchi, organisé et surtout bien préparé chez une personne relativement en santé, les risques cardiovasculaires se voient grandement diminués.
Lors de la toute dernière édition du demi-marathon des pompiers de Shawinigan en juin 2015, Maxime Fournier, 21 ans, s’écroule à un kilomètre de la ligne d’arrivée. Victime d’un malaise cardiaque, le jeune pompier y perd malheureusement la vie. Faut-il donc s’inquiéter de ce phénomène qu’est la mort subite du sportif?
Évidemment, si les médias nous donnent l’impression que ce genre d’évènement survient fréquemment, il est important de mentionner qu’il s’agit d’un phénomène plutôt rare et que les cas demeurent isolés proportionnellement au nombre de coureurs inscrits aux diverses épreuves sportives. Logiquement, les athlètes professionnels sont davantage à risque d’être frappés par la mort subite du sportif, puisqu’ils se voient plus couramment exposés à des efforts compétitifs soutenus. Toutefois, il a été démontré que pour ces athlètes de haut calibre, il s’agit pour la plupart du temps d’une malformation cardiaque silencieuse, ignorée, et donc difficilement diagnostiquée.
Ainsi, pour monsieur, madame Tout-le-monde, notons que les risques d’être exposés à ce phénomène sont largement dépassés par les bénéfices retirés en termes de protection cardiaque, lesquels se voient augmentés considérablement par une activité physique régulière. En d’autres mots, les risques cardiovasculaires sont beaucoup plus grands chez les personnes sédentaires ou peu actives. Retenons que notre état de santé physique dans sa globalité est un indicateur des plus puissants de tous nos potentiels risques cardiaques, incluant la mort subite, l’infarctus, etc. La course à pied demeure donc une activité physique de choix pour garder la forme, physiquement et psychologiquement.
Est-il conseillé pour une personne aux prises avec des problèmes cardiovasculaires de pratiquer la course à pied?
Selon l’épreuve envisagée, la condition et l’état de santé de l’individu en question, cela n’est pas impossible. Si une personne est très en forme et présente une condition cardiaque qui se veut stable, pourquoi pas? À l’été 2014, des patients de l’Institut de cardiologie de Montréal aux prises avec une condition cardiaque précaire ont d’ailleurs fait l’ascension du mont Washington. Évidemment, en prenant les précautions nécessaires et en obtenant l’accord et l’encadrement de professionnels de la santé, mentionnons qu’il peut s’agir d’une éventualité.
Est-il recommandé d’effectuer des examens médicaux avant de se donner l’objectif d’accomplir un demi-marathon ou encore un marathon?
Naturellement, cela pourrait être très intéressant. Toutefois, il s’agit d’une initiative peu commune en Amérique du Nord, où la cardiologie du sport n’est que très peu développée. En Europe, il s’agit d’une pratique plus courante, entre autres chez les athlètes. Au Québec, pour la population générale, il va sans dire qu’effectuer ces examens médicaux est peu probable dans notre système de soins. En effet, bien souvent les gens n’ont pas de médecin de famille et ne peuvent donc pas accéder facilement à un cardiologue. Également, ce sont des examens qui coûtent cher et n’entrent pas dans un cadre dit médical. Logistiquement, ce n’est donc pas réellement faisable. Pour des gens asymptomatiques, sans facteurs de risque apparents, ces examens ne sont malheureusement pas justifiés pour le moment.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui n’est pas du tout en forme et qui désire s’initier à la course à pied?
Dans ce cas-ci, la consultation d’un professionnel de la santé, par exemple d’un kinésiologue pourrait être une excellente idée. Également, il pourrait être pertinent de se faire faire un programme spécifique dans un centre d’entraînement. Quoi qu’il en soit, on ne suggère en aucun cas de viser comme premier objectif une épreuve de longue durée telle le marathon. Il est nécessaire d’établir des objectifs spécifiques réalistes et adaptés à sa condition physique.
La course à pied, un exercice à privilégier?
La course à pied demeure intéressante puisqu’il s’agit d’une activité où l’on dépense beaucoup d’énergie et où une grande quantité de masse musculaire est sollicitée. Ainsi, si les bienfaits cardiovasculaires sont considérables, mentionnons qu’un tel exercice physique comporte de nombreux bénéfices au niveau des os, des articulations, des muscles, du sommeil, de l’humeur et même du cerveau, où l’on a entre autres constaté une diminution des maladies cérébrales (Alzheimer, démence, déclin cognitif). Enfin, pour limiter les risques de blessures associées à la course à pied, il est suggéré d’alterner avec d’autres modes d’exercices, notamment le vélo, la natation et les sports collectifs. À ce sujet, l’on sait également que de diversifier ses activités physiques motive les gens à s’entraîner davantage et sur une base plus régulière.
Par Noémie Desbois Mackenzie
Bachelière en communication, et présentement à la maîtrise en communication de la santé