Dire la vérité aux enfants atteints du cancer?

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Doit-on tout dire à un enfant atteint du cancer? C’est la question que se posent plusieurs parents désemparés, confrontés à la maladie et aux incertitudes qui composent ce nouvel univers.

Comment s’y prendre pour préserver une communication avec son enfant malgré la détresse et l’anxiété omniprésente? Monsieur Bertrand Dupuis, psychoéducateur à l’Hôpital de Montréal pour enfants, partage son point de vue sur la question et nous fait part de recommandations professionnelles.

Monsieur Dupuis, existe-t-il une bonne manière d’annoncer à son enfant qu’il souffre du cancer?

Évidemment, il n’y a pas une bonne façon de s’y prendre. Je dirais que la situation varie beaucoup en fonction de la relation du parent avec son enfant et des personnalités respectives du parent et de l’enfant. Par exemple, si un enfant est de nature anxieuse, il est évident que le problème ne doit pas être abordé de la même manière que s’il avait été de nature zen.

Que dire à son enfant malade?

Je crois qu’il est important que l’enfant sache qu’il est malade, c’est-à-dire qu’il soit conscient que sa condition physique nécessite certains soins et traitements à l’hôpital. Toutefois, je ne crois pas nécessaire de tout dire à l’enfant. Si un parent donne trop d’informations rapidement, l’enfant risque de ressentir cette anxiété et de se l’approprier. Le niveau de la relation ainsi que l’âge de l’enfant vont déterminer la quantité d’informations que l’enfant est prêt à recevoir. Le rôle du parent est donc d’être disponible et à l’écoute. Il n’est pas rare de voir des questions émerger chez l’enfant quelques heures ou jours après l’annonce du diagnostic. Il n’est donc pas utile de tout vouloir précipiter.

De quelle manière un psychoéducateur travaille-t-il avec un enfant atteint du cancer?

En oncologie pédiatrique, mon mandat se résume à égayer la vie de l’enfant. Au travers des activités de toutes sortes (bingo, cuisine, lecture), l’objectif est d’investir la vie de l’enfant de petits plaisirs permettant ainsi de diminuer l’anxiété et de redonner de la joie à leur quotidien. Nous sommes donc constamment à l’écoute de ces enfants. Parfois, lorsque faire se peut, nous organisons des activités de groupe. Comme un des impacts du cancer chez ces enfants est l’isolement, nous tentons le plus possible de les mettre en situation de groupe. Les enfants aiment être ensemble. Ils se soutiennent naturellement entre eux

Qu’en est-il des frères et sœurs de l’enfant atteint du cancer?

À l’hôpital de Montréal pour enfants, nous sommes également très préoccupés par la santé mentale des frères et sœurs de nos petits malades. Dans le processus de soins, comme les parents sont très centrés sur l’enfant malade, la fratrie dira souvent que ce dernier est plus choyé, qu’il a davantage de privilèges en raison de sa condition, etc. Dans cette optique, nous avons mis sur pied un groupe de frères et sœurs d’enfants malades où l’on se rencontre une fois par mois le soir après l’école. Nous faisons principalement des activités de bricolage; cela leur permet de s’exprimer autrement qu’avec des mots. Nous sommes très attentifs à leurs préoccupations. Ils nous parlent beaucoup de l’injustice qu’ils ressentent. Notre message c’est : vous aussi êtes importants.

Quelle est l’importance de la communication avec un enfant atteint du cancer?

Elle est cruciale! On encourage beaucoup la communication. Si l’enfant reste silencieux la plupart du temps, il faut user d’imagination pour avoir accès à son monde. L’expression par les arts est une bonne manière d’y arriver. Enfin, j’ajouterais qu’il faut également s’intéresser à ce que l’enfant n’exprime pas réellement. Quelle est sa perception de sa condition? Il n’est pas rare que l’enfant se sente coupable d’être malade. Il fait des associations qui sont naturellement non véridiques. Cette culpabilité ressentie chez l’enfant nécessite de la part des intervenants et des parents une attention supplémentaire pour éviter une détresse additionnelle.

// Par Noémie Desbois Mackenzie
Bachelière en communication, et présentement à la maîtrise en communication de la santé


Source :
Entrevue téléphonique réalisée avec monsieur Bertrand Dupuis, psychoéducateur à l’Hôpital de Montréal pour enfants, en date du 21 novembre 2014.