Mais quelle place la famille d’un patient occupe-t-elle dans le processus de soins? Vous êtes-vous déjà demandé dans quelle mesure sa présence pouvait être profitable pour les soignants, son expertise nécessaire pour améliorer la santé de l’individu concerné?
Si le rôle de la famille a longtemps été ignoré des professionnels de la santé, voilà que l’on assiste actuellement aux premiers balbutiements d’une soi-disant réforme. Et si la famille faisait dorénavant partie de l’équipe interdisciplinaire de soignants? Madame Fabie Duhamel, PH. D. Professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal et directrice du Centre d’excellence en soins infirmiers à la famille au sein de cette même institution universitaire, nous en dit davantage sur l’importance d’établir une communication saine et efficace avec la famille.
Madame Duhamel, pourquoi faut-il inclure la famille dans le processus de soins au patient?
Vous savez, on dit que la famille est le contexte social le plus important dans lequel évolue la maladie. En d’autres mots, la famille doit sentir qu’elle est membre de l’équipe soignante, et ce, avant tout pour contribuer au bien-être du patient. La connaissance que détient la famille à l’égard de leur proche est incontestable et nécessairement d’une grande utilité pour les soignants. Ainsi, les professionnels de la santé ne doivent pas se sentir menacés par l’expertise que possède la famille. Au contraire, la collaboration permet généralement d’améliorer les soins prodigués aux proches et facilite également l’observance au traitement. Enfin, cela fait aussi toute la différence pour le patient, celui-ci constatant qu’une équipe unie est derrière lui et que cette dernière se soutient, sans l’ombre d’un conflit.
Quels sont les défis d’établir une communication qui soit optimale entre la famille du patient ainsi que les intervenants concernés?
Évidemment, pour établir une communication et instaurer un lien de confiance entre la famille et les soignants, il faut d’abord que l’expertise des familles soit reconnue. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un défi de taille. Abolir cette hiérarchie entre famille et soignants est primordial lorsque l’on prend conscience que l’état de santé du patient dépend en grande partie d’une communication optimale entre ces deux parties.
À l’heure actuelle, croyez-vous que les professionnels de la santé favorisent la communication avec la famille dans les institutions de santé?
Certes, il y a bel et bien une tendance observée, voulant que les équipes interdisciplinaires travaillent davantage avec les familles pour bannir cette hiérarchie entre familles et soignants. C’est une bonne nouvelle! De plus en plus, l’on considère que la famille n’est pas une nuisance, mais plutôt une alliée pour les soignants. Nous sommes sur la bonne voie, mais il faut continuer de travailler à changer les manières de pratiquer et les mentalités existantes.
Comment les divers types de croyances entretenues par les familles peuvent-ils influencer la communication entre le personnel soignant et la famille du patient?
Selon une étude de Wright et Bell (2009), on peut constater que les familles détiennent certaines croyances qu’il peut être pertinent de connaître et de démystifier. On parle d’abord de croyances dites « facilitantes », qui sont grosso modo celles qui facilitent le travail des soignants. En d’autres mots, elles permettent la coopération et favorisent la communication. À l’inverse, nous retrouvons les croyances « contraignantes », qui elles sont de l’ordre de la nuisance. Ainsi, ce type de croyance invite à la méfiance, augmente la souffrance, empêche la collaboration et diminue également le répertoire de solutions thérapeutiques. Il faut savoir qu’au sein de chacune des familles sont véhiculées des croyances qui leur sont propres et qui tendent à diverger selon la culture et l’origine ethnique des individus. En reconnaissant ces multiples croyances, les soignants démontrent une ouverture et, ainsi, les familles se montrent à leur tour plus réceptives au changement. Vous savez, les gens ne répondent pas à la direction, mais à la réflexion! Les soignants ont besoin de reconnaître leurs propres croyances face à la maladie ou au traitement et l’importance de ne pas les imposer à leur clientèle. Il s’agit plutôt de créer un contexte de changement… un contexte qui permet d’ébranler les croyances du patient et de sa famille pour les amener à y réfléchir sans pour autant les dénigrer.
Selon vous, comment faire en sorte que la communication avec la famille devienne une priorité dans les institutions de santé?
Il y a évidemment un travail à faire au niveau de la formation des intervenants. Ici, ce sont tous les intervenants qui sont concernés par cette problématique, c’est-à-dire une diversité de soignants formant l’équipe interdisciplinaire au chevet du patient. Pour impliquer la famille dans le processus de soins, les soignants devront d’abord reconnaître les 3 « EX » : leur EXistence, leur EXpérience et leur EXpertise. Enfin, ils devront apprendre à reconnaître leur espoir… (Duhamel, 2007) c’est-à-dire à respecter leur besoin d’y croire, ne serait-ce qu’en la qualité de vie et des soins si ce n’est pas à la guérison de la maladie.
Rappelons-nous que c’est un privilège de pouvoir travailler avec la famille. Il faut saisir ce privilège. Il n’y a pas de doute, la communication avec la famille, c’est définitivement la clé du succès pour l’efficacité de nos soins.
// Par Noémie Desbois Mackenzie
Bachelière en communication, et présentement à la maîtrise en communication de la santé
Sources :
– Entrevue téléphonique réalisée avec Madame Fabie Duhamel, PH. D. Professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal et directrice du Centre d’excellence en soins infirmiers à la famille au sein de cette même institution universitaire, en date du 12 mai 2014.
– Duhamel, F. (2007). (Dir.) La santé et la famille. Une approche systémique en soins infirmiers (2nd ed). Montréal : Gaétan Morin. Chenelière Éducation : Montréal.
– Wright, L.M., & Bell, J.M. (2009). Beliefs and Illness: A Model for Healing. Calgary: Fourth Floor Press, Inc.